Véronique Sablery invite Héloïse Guyard, Caen

Véro­nique Sablery invite Héloïse Guyard — en dia­logue avec les pho­to­gra­phies et tra­vaux sur verre de Véro­nique Sablery, du 24 sep­tembre au 2 octobre 2022 au 17 rue Fran­çois Mares­cot à Caen.

Liens vers les articles de Jean-Paul Gavard-Perret :

Héloïse Guyard en dialogue avec Véronique Sablery

Héloïse Guyard, mobile et légère

Liens vers le site de Véronique Sablery :

Plis, re-plis, déplies

photos Jean Rouig / Véronique Sablery / Héloïse Guyard

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Véronique Sablery invite Héloïse Guyard

Plis, re-plis, déplies

du 24 septembre au 2 octobre 2022

Héloïse Guyard fait des plis. Elle déplie ceux des autres pour les replier à sa façon et les relie ensuite en une déclinaison de papiers, tissus, terre et autres matériaux qu’elle façonne, coud ou sur lesquels elle dessine. Héloïse a beaucoup regardé la peinture. Celle des étoffes que revêtent les personnages habillés par Botticelli, Le Gréco, Artemisia Gentileschi, Tamara de Lempicka, Kiki Smith et bien d’autres. La liste est longue des artistes que les yeux d’Héloïse regardèrent, dont les plissés habilement peints fascinaient la jeune femme qui emmagasina derrière les plis de ses paupières la richesse chatoyante des étoffes.

La photographie fut aussi source d’observation attentive. Celle de Diane Arbus par exemple mais encore des photos plus intimes. La photographie que fit son père au Panama quand Paule, la mère se reposait dans les méandres des draps lors d’une sieste d’après-midi. Les plis qui intéressent Héloïse Guyard sont également ceux du quotidien. Il est important dit-elle de « Porter attention aux petites choses. Ne pas abîmer. » Ne pas abîmer, rendre précieux et unique le mouvement du pli, étudié, fragmenté, répertorié et figé à jamais en des séries minutieusement organisées. Qu’ils soient dessinés sur des petits rectangles de papier très fins épinglés au mur comme des insectes ou bien modelés dans de minuscules mottes de terre qui tiennent dans le creux de la main, les plis que compose Héloïse Guyard ont la présence légère des choses discrètes qui arrêtent le regard et nous obligent à nous interroger. Un fruit, un petit animal, un fragment d’anatomie, une graine ?…Autant d’énigmes tenues secrètes dans les sinuosités des plis dessinés, modelés ou cousus parfois.

Afin de présenter ses réalisations, Héloïse Guyard a dessiné sur les murs de l’atelier. Elle s’est inspirée pour cela des méandres de l’Orne, le fleuve qui traverse la ville de Caen, en reproduisant au fusain directement au mur, les lignes simulant les plis de la rivière. Ce graphisme noir vient animer la surface blanche et impulse un mouvement de vagues, le plissé de l’eau. C’est sur cette surface graphée qu’elle dispose ensuite, comme des petites îles émergeant des flots, ses dessins de plis tracés à la mine de plomb sur papier. Certains autres sont en couleurs et répondent aux teintes vernissées des plis creusés dans les petites sculptures de terre cuite émaillée.

Telles des vigies attentives et muettes j’ai disposé de part et d’autre des installations d’Héloïse des portraits de femmes imprimés sur des surfaces transparentes et insérés entre deux plaques de verre. J’ai intitulé cette série « Mes inconnues sauf une ». Ces portraits proviennent de négatifs en verre trouvés dans des brocantes ou chez des antiquaires. Des inconnues donc, dont les visages se sont révélés en insolant le négatif. Des visages d’un autre temps altérés par les aléas du stockage des plaques, présentant de nombreuses taches ou rayures rendant plus improbable encore l’expression de ces belles inconnues. Des inconnues sauf une, ma grand-mère, très jeune, dont le regard grave nous transperce et nous interroge, nous laissant sans réponse dicible. Certains de ces portraits sont présentés en diptyque face au plissé d’un rideau ou d’un pan de vêtements extrait de peintures du seizième siècle. Des plis encore, qui font écho aux plis qu’Héloïse Guyard met en scène, aux plis de la mémoire aussi, celle que convoquent les portraits photographiques. Des plis que l’on a envie de déplier bien sûr mais juste du regard, sans perturber l’ordonnancement de ces replis aux secrets bien gardés.

Véronique Sablery, Septembre 2022

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